On s'est habitué à composer avec les "teufeurs"

«J'ai appris la présence de "ravers" sur ma commune avec l'appel des secours» rapporte Guy Bordon, maire de Clarafond, petite commune située aux confins de la Haute-Savoie et de l'Ain. «D'habitude, j'entends toujours les "tam-tams" depuis chez moi, mais cette fois, le bruit ne s'est pas diffusé jusque dans le village. Et pourtant, j'ai sorti les chiens tôt le matin».
L'endroit est connu des "teufeurs". Depuis une dizaine d'années, cite de mémoire le premier magistrat, ils se retrouvent sur ce terrain situé sous la montagne du Vuache. Les lieux, qui se trouvent sur l'ancienne route de Chaumont, sont isolés et fréquentés par les amateurs d'oiseaux et les chasseurs qui possèdent, là-haut, une cabane.
Les habitants de cette commune de près d'un millier d'habitants composent donc, tant bien que mal, avec les raveurs. Ils sont entre 80 à 150 à investir, surtout l'été, le terrain, pendant un à deux jours. «La cohabitation se passe relativement bien» dit en substance M. Bordon, même s'il déplore l'occupation sauvage de terrains privés. «D'une manière générale, ils ne sont pas agressifs. Ils ne se connaissent pas, ils arrivent un peu de partout. Toutefois, ils font promesse de laisser le terrain en état après le passage.» Et effectivement, «le lendemain, c'est à peu près correct». À part un incident répertorié une fois sur un véhicule, jusqu'alors, les "teufeurs" se faisaient plutôt discrets. Il y a bien la musique, mais «cela fait comme un bruit de fond. Ce n'est pas assourdissant». Leur passage dans les commerces de Clarafond se passe également sans trop d'encombre. «Même si "des fois", il est difficile de les contenir» corrige le boucher.

«C'est la première fois qu'il y a un tel acte de violence»
Reste le problème de l'organisation de manifestations sans autorisation et surtout la consommation excessive d'alcool et de stupéfiants. Un état second qui peut conduire à des drames.
Et ce drame s'est produit dimanche matin. Un "teufeur" qui dit «avoir vu le diable» a porté deux coups de couteau, un au niveau de la gorge et l'autre à la cuisse, à un participant de la rave-party. Un geste aussitôt violemment réprimé par les raveurs. L'auteur des faits a essuyé une pluie de coups. Devant la gravité de la situation qui, en l'espace de quelques minutes, a dégénéré, les secours sont déclenchés. «C'est la première fois qu'il y a un tel acte de violence» soupire le maire de Clarafond. La victime, âgée de 27 ans et originaire de Sainte-Hélène-du-Lac (Savoie), a été conduite à l'hôpital cantonal de Genève. Son état est jugé assez grave.
Quant à l'agresseur, un homme âgé de 33 ans et originaire de Grenoble, il a été hospitalisé à Saint-Julien-en-Genevois. Hier soir, son état ne lui permettait toujours pas de répondre à une audition. Les militaires ont procédé à des contrôles. Ils auraient saisi des sachets de stupéfiants avant d'enjoindre les "ravers" à ranger le matériel et à lever le camp.
Lundi matin, quelques-uns traînaient encore aux abords du terrain.
Guy Bordon, pour sa part, a déposé plainte, hier après-midi, auprès de la gendarmerie pour "manifestation illégale"... Jusqu'à la prochaine fois, déplore-t-il. «Qu'est-ce que vous voulez que je fasse ?» s'interroge-t-il. Il envisage de rencontrer les propriétaires du terrain et l'association de chasse avant que "le pli soit pris" de faire de Clarafond un endroit de "teuf". À moins qu'il ne soit déjà trop tard...
Une enquête a été confiée à la brigade de recherches d'Annemasse et aux gendarmes des compagnies de Seyssel et de Frangy.